Samedi 20 octobre 2012, 15h au siège de l’association, un film chinois inédit en France sera projeté.
« LES ANNEES DOREES » de LIU Junyi 2006
LIU Junyi est un réalisateur peu connu du public occidental.
Le film a été tourné dans son village natal, dans le district de Xiangang du nord du Hubei ; d’abord pour des raisons budgétaires mais aussi pour donner plus d’authenticité aux personnages interprétés par des villageois (adultes et enfants) victimes de l’exode des générations actives vers les villes qui, elles, offrent du travail.
Le thème de ce film est une des conséquences dévastatrices du départ des parents vers l’emploi, « laissant derrière » les enfants à la charge des anciens, de la famille ou de voisins.
Dans l’école du village, plus de 300 enfants sont dans ce cas. Ils sont instables, absentéistes, dépressifs, fatigués, agités…Ce sont « les éclopés de la croissance » (Brigitte Duzan).
L’institutrice, pleine de théorie, découvre, au cours des devoirs donnés aux élèves, le désastre dramatique de la situation de chacun. Quatre rebelles préfèrent aller au cybercafé « Le Bar Internet de l’Illusion » où ils se font dépouiller de l’argent envoyé par les parents, gagné sur le marché ou volé à la grand-mère. Ils se font justice eux-mêmes. Le chef du poste de police-fiancé à l’institutrice- ne sait plus comment faire avec ces gamins dont le plus âgé a 11 ans.
Les adultes vont être mis en demeure de chercher des solutions d’autant que la situation se complique de plus en plus pour eux.
Ce film n’est pas un documentaire mais il colle à la réalité.
En effet, les parents n’ont pas le choix. Voici ce que nous indique Brigitte DUZAN :
« D’abord, ils sont poussés par des raisons économiques : pour prendre, encore une fois, l’exemple du Hubei, un article rapportait en 2004 le cas d’un couple de paysans allé vivre à Wuhan, la capitale ; les frais annuels de scolarisation de leur fils se sont alors élevés à 3 000 yuans (sur un budget total de 10 000 yuans pour la famille) ; c’était trois fois ce qu’il payaient pour l’école du village. Dans ces conditions, les parents ne peuvent guère économiser et le moindre problème, de santé en particulier, devient dramatique.
Le problème essentiel, cependant, pour les « mingong », tient à la législation : ayant un « hukou » les domiciliant dans leur village, ils ne peuvent pas se faire enregistrer comme résidents urbains, ils n’ont donc aucune sécurité juridique, et leurs enfants ne peuvent être inscrits dans les écoles proches de leur travail, sauf à payer des sommes exorbitantes. Encore récemment, fin 2011, des écoles privées pour enfants de mingong ont été fermées à Pékin.
Le film fait penser à un court récit de Ba Jin (巴金), intitulé « Un tireur de pousse » (《一个车夫》). Un soir, l’auteur prend un pousse pour aller se promener dans un parc, à Pékin. Une fois assis, il se rend compte que son conducteur est un enfant d’une quinzaine d’années. Etonné, il lui demande comment il en est arrivé à faire si jeune un tel métier. Il apprend alors, par bribes, que le père de l’enfant a chassé sa mère, vendu sa sœur, puis est parti avec l’argent. « Et il ne revient jamais te voir ? » demande Ba Jin. « Non, dit l’enfant sèchement, et il fait bien ; si je le rencontrais, je le tuerais ». Comment imaginer, à deux pas du mien, pense Ba Jin, un tel monde sans famille, sans amour, sans chaleur, où les êtres sont endurcis par le fouet et la haine ? »
Le texte date de 1933. Les choses ont changé bien sûr, mais la haine exprimée par le jeune tireur de pousse n’est pas tellement loin de celle de Xiaofu… »